Ce que j'ai pensé de

Ce que j'ai pensé de
Des bouquins, et pas de place pour les ranger

dimanche 2 février 2014

Supplément à la vie de Barbara Loden, de Nathalie Léger, en Folio Poches

Supplément à la vie de Barbara Loden, est paru chez Folio Poche. Nathalie Léger y raconte la vie de l'actrice et réalisatrice Barbara Loden à partir de son interprétation de Wanda Goronsky inspiré de la terrible déchéance qui conduit Alma Malone devant les tribunaux à la suite d'un fait divers sordide. À la première lecture, j'ai trouvé la mise en abyme appuyée,  poussive. L'intellectualité circulaire du livre m'a mis mal à l'aise jusqu'à l'agacement. Après plus de soixante pages Nathalie Léger résume : «  Une femme contrefait une autre écrite par elle-même à partir d'une autre (ça, on ne l'apprend que plus tard), jouant autre chose qu'un simple rôle, jouant non pas son propre rôle, mais une projection de soi dans une autre, interprétée par soi-même à partir d'une autre. »

J'ai relu mes notes, puis le début du roman, puis la suite et j'ai compris d'où venait ma difficulté à m'approprier le livre. Et ce n'est pas, comme je l'ai d'abord crû parce qu'il est essentiellement féminin. Oui, de l'imbrication des portraits de ses héroïnes semblent ressortir des invariants, des constantes au premier rang desquelles, la violence faite aux femmes, ordinaire, omniprésente, protéiforme. Celle qu'exerce sur Wanda son patron, son mari, son amant, celle qu'elle s'inflige par sa passivité, celle que Barbara Loden subit d'un Elia Kazan lassé d'elle comme d'un chiot qui a trop grandi. 

Et pourtant, comme malgré elle, Nathalie Léger décrit l'amoindrissement de cette domination masculine. Ma seconde lecture du livre a pris l'allure d'un travelling arrière vertigineux. Alma Malone accède au statut de personnage grâce à Wanda Goronsky, qui permet à Barbara Loden de  se faire entendre comme réalisatrice en offrant à Nathalie Léger l'occasion de devenir romancière. Chacune monte un barreau de l'échelle sociale et s'efforce de remercier la précédente en ne la trahissant pas dans l'œuvre qu'elle lui consacre. On pourrait y voir une métaphore des progrès que notre société a pu faire en matière d'égalité des sexes. Et du coup, on aurait voulu, enfin j'aurais voulu que ce livre offre une perspective, un souffle, une direction qu'on peine à y trouver. L'écriture minutieuse, scrupuleuse, à force de refuser l’esbroufe stylistique, manque de chair, à force de refuser le sentimentalisme, manque de souffle... Et l'on finit par réagir comme la mère de la narratrice qui lui demande s'il est si difficile de simplement écrire une histoire. Et ce qui manque pour faire de ce livre une histoire, ce qui m'a vraiment empêché de me l'approprier  c'est qu'il est, d'un bout à l'autre, dépourvu d'humour, de tendresse, de lâcher prise. 

Oui, dans ce livre court, à peine plus de 100 pages, Nathalie Léger parvient à parler, et souvent très bien, de la difficulté d'être mère, épouse, maîtresse, fille, ouvrière, actrice, biographe, romancière, de la difficulté d'être une femme en somme. Mais il me semble qu'il manque à  Nathalie Léger, comme à Barbara Loden, comme sans doute à Alma Malone, cette petite pointe d'humour, ce sourire, pas le sourire de séduction qui est une des clés du malaise, mais ce détachement qui nous permet de nous attacher aux gens, ce sourire qui aurait permis à leurs vies de devenir des histoires, qui aurait fait simplement de Supplément à la vie de Barbara Loden, disponible en Folio Poche, un véritable roman. 


Pour l'audio, en attendant que ça passe sur Des Poches Sous les Yeux, c'est ici. 

Note 1 : Le son est beautifully painfull, de Greetings From Tuscan, qui m'a été rendu disponible par LouisGi que je vous recommande de suivre sur soundcloud, c'est un bon sélecteur. 

Note 2 : Le site de Folio est encore en rade, je me demande si Gallimard ne lui fait pas la peau volontairement vu qu'ils hébergent aussi le catalogue Folio sur leur site.

TL ; DR : Un livre sur une femme qui a fait sur un film sur une femme inspirée d'une autre femme. Il y a de belles choses sur la condition féminine, sur la douleur de naître sans talent. Mais c'est renfermé à force d'être intime, et bobo à force de se vouloir sensible. 

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