Ce que j'ai pensé de

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Des bouquins, et pas de place pour les ranger

lundi 16 juin 2014

Le manoir de Tyneford de Natasha Solomons, au Livre de Poche

En inscrivant Le manoir de Tyneford de Natasha Solomons à sa sélection du mois de mai, le Prix des lecteurs du livre de Poche revendique son goût pour la romance historique. Les premières pages agissent comme une bombe à fragmentation. D'abord l'antisémitisme sépare les juifs du reste de la bourgeoisie viennoise du début du vingtième siècle, puis il isole encore plus Elise Landau du reste de sa famille. Elle n'est ni violoniste, ni chanteuse, ni écrivain, ni ingénieur, alors l'Amérique ne lui tend pas les bras, et c'est comme femme de chambre qu'elle sera attendue par une Angleterre rigide et condescendante.

Il y avait là matière à un grand roman sur la dégringolade sociale, à un retour de mémoire sur la façon dont l'occident entier a traité les exilés juifs, il y avait là matière à un portrait cruel de la bourgeoisie britannique du milieu du vingtième siècle.

Et il faut reconnaître qu'on retrouve un peu de tout ça dans le roman de Natasha Solomons. Mais tout est montré par le petit bout de la lorgnette. La narratrice, Elise Landau, est une figure de vilain petit canard sacrifié qui se transformera en cygne fort et digne à la hauteur du manoir de Tyneford. Mais ce n'est pas son courage, son abnégation au travail qui lui permettent de gagner le respect des maîtres du domaine, c'est une banale  histoire d'amour banale et téléphonée, une histoire dont Hollywood n'oserait même pas faire une comédie romantique.

Et encore, cela pourrait sans doute marcher si on parvenait à s'attacher à la jeune fille, mais son égocentrisme nous fait soupçonner qu'il est celui de l'auteure, et on peine à tourner les pages sans en sauter une dizaine malencontreusement.

Pourtant, les rares descriptions des bâtiments, des paysages, ou des personnages secondaires montrent un véritable talent d'écriture, mais il semble que Natasha Solomons ait peur d'ennuyer ses lecteurs, et elle noie les moments contemplatifs dans des pages de dialogues naïfs.

La justification des péripéties apparaît souvent après-coup. On aurait aimé, enfin j'aurais aimé, que les revirements soient rendus crédibles par la personnalité des personnages, par leur complexité, leurs failles. Un roman qui fait plus de 500 pages doit permettre que la cohérence des protagonistes soit construite sur la durée.


On ne pourra donc apprécier  Le manoir de Tyneford, de Natasha Solomons,  paru au livre de Poche, que si on l'accepte pour ce qu'il est : un roman à l'eau de rose où l'Histoire est moins contexte que prétexte à des histoires d'amour plutôt rocambolesques. 

Le Manoir de Tyneford, Paru au livre de Poche, 7.60 €

La chronique audio est disponible ici, avec un fond sonore d'une paresse étonnante puisqu'il s'agit du thème de la leçon de piano. 

TL ; DR : Une romance historique entre une jeune bourgeoise juive viennoise et le presque lord anglais dont elle devient la femme de chambre. Dispensable, mais pas illisible si on veut un roman à l'eau de rose... avec un nuage de lait. 

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