Ce que j'ai pensé de

Ce que j'ai pensé de
Des bouquins, et pas de place pour les ranger

lundi 9 mars 2015

Charlotte, de David Foenkinos

Avec Charlotte, de David Foenkinos disponible en livre audio dans la collection Écoutez lire, de Gallimard, on atteint les limites.

Les limites du livre lu, d'abord. Lorsque l'interprétation convient au lecteur auditeur une synergie des sensibilités artistiques peut améliorer l'expérience qu'on a du livre (c'était le cas pour moi avec les souvenirs, du même auteur, mais lu par l'excellent Loïc Corbery). Mais parfois, la mayonnaise ne prend pas. Au départ, on se dit qu'on va s'habituer, et on même on s'habitue un peu. Mais cinq heures quinze de lecture, si on ne s'entend pas, après s'être habitué, on se prend en grippe, puis on s'insupporte, comme un vieux couple qui ne peut pas divorcer pour des questions matérielles

Les limites de Foenkinos, ensuite. Son écriture, lorsqu'elle s'attaquait dans les souvenirs au quotidien, à l'intime ordinaire, collait au sujet et on pardonnait avec bienveillance la faiblesse des images, l'absence de personnalité marquée. Mais lorsqu'il décrit la vie d'une jeune juive de classe moyenne supérieure, issue d'une génération de suicidaires, rattrapée en même temps par son talent et la barbarie nazie, la langue de Foenkinos ne suffit plus. Rien à faire. Le besoin qu'a eu Foenkinos de passer à la ligne à chaque phrase, devant la lourdeur du sujet, on peut le comprendre, mais le résultat est trop lourd pour de la poésie en vers libre,  et trop léger pour porter le sujet.

Parfois, je me suis demandé si j'étais revenu en arrière, mais non. Les répétitions, qui devraient montrer combien l'histoire bégaie, ressemblent à des oublis rescapés d'une relecture trop hâtive.

Bien-sûr, il est impossible de rester insensible à l'horreur du destin de cette jeune femme dont la mère, la tante, l'oncle, la grand-mère se sont suicidés, et d'autres encore, et on aurait aimé, enfin, j'aurais aimé, que l'effet de comique fut au moins volontaire, car un peu d'humour noir aurait apporté de la saveur à l'obsession de Foenkinos. Car la quatrième de couverture décrit un « écrivain hanté par une artiste et par un destin. » On ne sent pas cette dévoration. David Foenkinos se promène dans les rues allemandes avec le même flegme que son narrateur se promenait dans ses Souvenirs et les trottoirs d'un chef-lieu bas-normand.

C'est aussi la limite du livre « à sujet ». Lorsqu'un destin romanesque prend le lecteur en otage. Si l'écriture est à la hauteur, le syndrome de Stockholm joue à plein et nous devenons des prisonniers volontaires, ravis de communier avec empathie à l'horreur d'une trajectoire pathétique. Sinon, non. Et là, non. Bien-sûr, citer un exemple, tirer une phrase de son contexte est un procédé peu loyal, mais quand-même : Foenkinos décrit charlotte et « ses cheveux noirs comme des promesses », puis la montre enjoignant sa grand-mère à reprendre goût à la vie : « Et admire aussi les arbres fleuris. Et les couleurs qui ressemblent à des promesses. »

C'est une dernière limite de l'audiobook. On l'écoute au volant, en marchant, et il n'est pas possible de prendre des notes. On ne retient que ce qui choque. Et ces couleurs qui ressemblent à des promesses, cette image de collégien reprise deux fois dans le même livre, c'est ce qu'il me reste de Charlotte. C'est tout ? Pas tout à fait. Parce que malgré la presque absence de style, malgré cette lecture qui m'a tant gêné, la bienveillance de David Foenkinos paraît toujours sincère, réelle, et plus profonde que l'écriture qui la porte. On a envie d'aller voir ce que Charlotte Salomon a peint, a écrit. Et on peut y trouver du Klimt, du Munch, du Chagall, on y trouve surtout du génie, un mélange des genres entre peinture, dessin, presque bande-dessinée, on dirait aujourd'hui roman graphique. Faut il lire David Foenkinos, faut-il l'écouter dans la collection Ecoutez lire ? À la limite. Mais découvrir Charlotte, oui, c'est sûr.



Lorsque j'y penserai, je contrebalancerai mes chroniques négatives vers des blogs qui ont aimé plus que moi l'œuvre concernée. Pour Charlotte, de Foenkinos, vous trouverez une chronique positive ici et une autre .



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