Ce que j'ai pensé de

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Des bouquins, et pas de place pour les ranger

lundi 7 décembre 2015

Les femmes du braconnier de Claude Pujade Renaud


Les femmes du braconnier, de Claude Pujade Renaud, est un roman disponible en poche chez Babel. Le braconnier, c'est le poète Ted Hughes. Il a la force tellurique de ceux qui sont de quelque part. Il est habité par l'esprit des animaux que son frère et lui chassaient dans les chemins creux de la campagne anglaise. Et la première de ses femmes c'est Sylvia Plath. Elle arrive d'Amérique, plein de manques, toujours en fuite, comme tellement d'enfants d'immigrés. Elle fuit sa mère et sa sollicitude qui l'étouffe. Elle fuit la promesse qu'elle lui a fait faire, de ne jamais refaire sa vie. Elle fuit le père et son absence, et sa mort évitable. Mais aussi loin qu'on aille, on abandonne rien. On emporte ses entrailles, les maux qui sont les siens.

Claude Pujade Renaud, sait se mettre à la place d'une femme. C'est tellement rare de voir un homme se sentir autorisé à parler de la vie intime, biologique, des femmes, jusqu'à décrire leurs règles et l'impact qu'elles peuvent avoir sur leur stabilité émotionnelle. Tellement rare que ce Claude est évidemment une Claude. Après m'être senti idiot de ne pas connaître cette écrivaine, je me suis senti idiot de réaliser que la Sylvia Plath du roman est cette Sylvia Plath dont j'avais une vision floue de poétesse anglo-saxonne vaguement féministe. Mais pourquoi la couverture de cette biographie précise-t-elle : roman ? Sans doute pour s'autoriser à écrire chaque chapitre à la première personne du singulier, une première personne toujours différente et toujours singulière. Sylvia, sa mère, ou cette infirmière qui la prendra en affection quand elle et Ted s'installeront loin de Londres. Claude Pujade Renaud, en enchaînant les points de vue subjectifs ne présente jamais une causalité claire, elle n'explique pas, elle montre. Ted trompe Sylvia, malgré ce qui les unit, les enfants, la littérature, la poésie. Est-ce que les hauts et les bas de Sylvia sont trop durs à supporter ? Est-ce que l'attraction qu'exerce la belle Assia aurait de toute façon pris le dessus ? L'auteure ne tranche pas.
On aurait aimé, enfin j'aurais aimé, que l'écriture de Claude Pujade Renaud nous rapproche des protagonistes de ces amours qui vibrent, vrillent, plongent. Mais le charme est parfois rompu brutalement. Les chapitres de dialogues ne fonctionnent pas, la volonté de faire quotidien donne des phrases fades et qu'on peine à imaginer dans la bouche de quiconque, et même dans la sienne après les avoir relues à haute voix.
Et puis les tics des écrivaines écrasées par le spectre de Marguerite Duras. Les phrases sans verbes. Ou pire, l'épithète suivi d'une virgule, suivi du nom auquel il se rapporte, et rien de plus. Énervant, le tic littéraire.
Mais les personnages secondaires nous attachent au livre. Aurelia, la mère de Sylvia, toujours aimante, toujours perdue, David, le mari d'Assia, poète tranquille et doux, presque résigné. Et Winnifred, et les enfants, les frères et les sœurs. Claude Pujade fait évoluer ses héros dans un écosystème romanesque où le lecteur devient à son tour braconnier et guette l'apparition de ces seconds couteaux plus humains, plus aimants, qui tentent, chacun à sa façon, de sauver les artistes de leur propre sensibilité. Sans pourtant la détruire, puisque c'est elle aussi qui fait qu'ils les aiment tant. Comme il est difficile d’être une des Femmes du Braconnier, au sein de ce roman de Claude Pujade Renaud, disponible en poche chez Babel.


Tellement crevé qu'on a l'impression, sur l'audio, disponible ici, que je suis énervé contre quelqu'un. 



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